samedi 19 juin 2021

Retrouvez moi sur Twitter

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jeudi 4 juin 2020

Séropo et Vihvant

Il y a surement autant de façons de vivre sa séropositivité que de personnes séropositives, tant chaque expérience est unique et dépend d'une quantité énorme de facteurs extérieurs. Mais il existe tout de même des similitudes dans nos histoires avec le VIH. Pour certains, ça peut être ressenti comme une difficulté de plus, une erreur de parcours à laquelle on ne s'habitue pas. Pour d'autres, le diagnostic du VIH est vécu comme un cap franchi, la fin d'une ère et le début d'une nouvelle, l'occasion parfaite pour se questionner sur qui on est, où l'on va, et en quoi on pourrait transformer ce petit séisme qui vient bousculer nos vies. Un séisme qui comme toute force est constitué d'énergie, de l'énergie pure à portée de main. Le moteur de quelque chose qui ne revient qu'a nous de découvrir. On peut tout à fait ne rien en faire, mais comme d'innombrables autres séropositifs, j'ai choisi de l'utiliser à mon avantage.

Je souris parfois en pensant à mon moi d'avant, il y a plus de cinq ans. Au recul sur la vie que j'imaginais avoir et à la sagesse que j'estimais acquise au fil des épreuves. C'est toujours une erreur, à n'importe quel moment de sa vie, de croire qu'on ne peut plus grandir. Quand je venais d'apprendre que j'étais séropositif, c'était compliqué d'avoir une vision d'ensemble et encore plus d'y voir quelque chose qui me ferait grandir. 

Je suis resté la même personne, mais c'est comme si, d'un seul coup, je voyais les choses d'une perspective différente. Que depuis tout ce temps, finalement, plein de choses m'étaient invisibles, hors de portée, et que j'en avais subitement pris conscience : je voyais maintenant le monde en tant que séropo. En tant que minorité dans une minorité, j'ai pris conscience d'injustices que je ne connaissais pas, de l'histoire riche et forte des séropos, de leurs récits et témoignages trop souvent occultés par le commun des mortels comme s'ils étaient trop précieux pour être compris. C'est d'abord la force des gens qui m'a sauté aux yeux, et donc la mienne. J'avais appris que j'avais le VIH, un truc qui faisait flipper tout le monde, mais j'avais pu aller au delà de ça et continuer ma vie de petit mec en gardant le sourire, quelque chose que je n'aurais pas imaginé avant. J'ai rencontré d'autres séropos, encore plus courageux que moi, beaux et fiers de qui ils sont. 

En voyant tout ce que je ne voyais pas avant, ma sensibilité a évolué aussi. Mon empathie pour les gens, pour mon entourage. Toute cette histoire permet de relativiser sur énormément de choses et d'avoir une compréhension plus globale, une certaine humilité quand on se met à l'écoute des autres et de leur histoire. De compatir davantage aux expériences fortes. Avoir le VIH, ce n'est et n'a jamais été une faute, c'est un truc qui vient se greffer à la vie et qui se mélange au reste, qui devient totalement secondaire. Et quand on arrive à ne plus se juger soi même, on ne juge plus les autres. Ça me rappelle que je suis vivant, que je peux profiter de plein de choses et qu'il aurait pu m'arriver bien pire que ça. 

Quand j'ai vu mon médecin, il a voulu me rassurer : sport, nutrition, espérance de vie en bonne santé, tout reste normal. Il a fallu qu'il me dise ça pour que je m'y mette, parce que j'avais finalement la chance de vivre tout un tas de choses que j'avais négligé et qu'on n'a pas tous la possibilité d’expérimenter. Je suis allé faire du vélo près des flamants roses, j'ai réduit ma consommation de viande pour faire des meilleurs repas, j'ai dépensé mon énergie à quelque chose car je le pouvais. L'arrivée du VIH dans ma vie, ça m'a rappelé que j'avais la santé, que je pouvais faire tout un tas de trucs grâce à elle, et aussi que je pouvais l'entretenir. Non pas car je risquais de la perdre à cause du VIH, mais parce que j'ai pris conscience qu'elle était là.

C'est aussi dans ces moments là qu'on prend conscience qu'on compte pour d'autres. Pour sa famille, ses proches, ses amis, ou simplement des gens à qui l'on parle via nos écrans. Ça m'a rapproché de ma famille, de mes amis, mais aussi de personnes insoupçonnées, rencontrées sur le parcours, et qui n'ont eu que des intentions bienveillantes envers moi. Des gens qui n'ont jamais vu ma situation comme quelque chose de grave ou de dramatique, qui n'ont simplement pas changé leur comportement à mon égard, qui ont compris, sans avoir besoin de leur dire, que le VIH ne changeait absolument rien à ce que je suis, à part qu'il me rendait plus fort.

Le VIH est aussi un excellent filtre dans les relations avec les autres. On peut facilement avoir un aperçu de la mentalité de quelqu'un à sa façon de considérer les personnes séropositives, ce qui permet de faire le tri beaucoup plus facilement. La sérophobie allant pratiquement toujours de pair avec d'autres conneries idéologiques, ça peut permettre un gain de temps non négligeable.

Pour finir, il y a cette facette absolument géniale, quand on décide de témoigner comme je le fais, c'est l'espoir qu'il crée en nous d'un monde meilleur et d'une humanité plus inclusive, c'est les petits messages qu'on reçoit et qui nous changent la vie, c'est de voir de nos propres yeux que ce qu'on écrit et ce qu'on dit change un peu la donne. C'est les appels téléphoniques en pleine nuit qui me reboostent à l'infini et me permettent de terminer cet article, et c'est toutes ces merveilleuses personnes que je n'aurai jamais connues autrement.

mercredi 29 avril 2020

C'est comment d'être séropositif au VIH, aujourd'hui ?



Aujourd'hui en France, il est estimé qu'il y a 25 000 personnes porteuses du VIH sans le savoir. L'accès au dépistage n'est parfois pas évident, l'information ne se diffuse pas non plus toujours de façon fluide et équitable, et il peut aussi y avoir cette peur du dépistage. Ce n'est qu'une simple prise de sang, mais pour beaucoup, il est mieux pour eux de ne simplement pas savoir. La prise en charge du VIH a énormément évolué depuis les années sida, mais son image peine à suivre le même chemin : encore aujourd'hui, quelqu'un de mal informé peut s'imaginer qu'une personne qui apprend sa séropositivité au VIH de nos jours doit subir un traitement très lourd, avec beaucoup d'effets secondaires et que son état de santé se détériore irrémédiablement. Et surtout, qu'elle peut toujours transmettre le VIH !
Je m'appelle Nicolas, j'ai 25 ans et je suis séropositif depuis un peu plus de 5 ans. Je vais tenter de vous expliquer ce que c'est, d'être séropo aujourd'hui.
Apprendre sa séropositivité, c'est d'abord un choc et c'est tout à fait normal. La remise en question peut suivre pour un certain nombre de personnes, la culpabilité et tout autre sentiment négatif. Mais ça ne dure pas, car s'ensuit un sentiment beaucoup plus positif : le soulagement. Pourquoi le soulagement ? Parce que la réalité ne correspond pas forcément à l'idée qu'on avait en tête de la prise en charge du VIH, et que contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la vie ne change pas vraiment et notre santé ne perd pas en qualité.

A quoi ressemble une année dans la peau de la plupart des personnes séropositives (en tout cas dans la mienne) de nos jours ? C'est très simple : au tout début, plusieurs rendez-vous sont programmés. Un pour confirmer la sérologie une bonne fois pour toute en cas de faux positif, puis d'autres pour mettre en place un traitement. A quoi ressemble le traitement pour quelqu'un qui apprend sa séropositivité de nos jours ? A ça :






C'est un unique comprimé (pour cette marque en tout cas, pour d'autres c'est parfois deux) à prendre une fois par jour à heure fixe. Il existe beaucoup de marques différentes, mais le principe est le même. Pour certains, il y a une contrainte alimentaire : ça signifie qu'il faut le prendre après un repas. Pour le mien, pas besoin. J'ai décidé de le prendre le soir, entre 19 et 20h. Après ces années à le prendre, je n'ai jamais eu d'effets secondaires ni de réactions particulières.









Pourquoi prendre un traitement si on ne peut pour l'instant pas guérir du VIH ?

Il n'existe pour l'instant pas de traitement ni vaccin qui permette de se débarrasser complètement du VIH. Mais le traitement moderne que prennent les personnes séropositives de nos jours s'en rapproche beaucoup : il permet non seulement de "désactiver" le virus mais aussi de baisser énormément sa charge virale dans le corps jusqu'à un stade qu'on appelle "indétectable". On le voit beaucoup ce mot, on le lit partout, mais on ne sait pas forcément ce qu'il signifie. Être indétectable, ça signifie que le VIH n'a plus aucun risque de se transmettre à une autre personne, et ce peu importe de quelle manière. Même une relation sexuelle sans préservatif, même avec éjaculation, ne présentera aucun risque de transmission ! Pour en arriver à être indétectable, c'est très rapide : j'ai eu mon prochain rendez-vous médical deux mois après avoir commencé à prendre mon traitement, et j'étais déjà devenu indétectable. L'avantage d'avoir été dépisté tôt.

Et en cas d'oubli ou de retard dans la prise de traitement ?

On est tous humains et donc pas sans failles : il peut arriver à tout le monde d'oublier de le prendre ou d'avoir du retard. Dans le cas d'un retard, il est toujours possible de le prendre jusqu’à plusieurs heures après. Pour un oubli, lorsqu'on se rend compte seulement le lendemain qu'on ne l'a pas pris par exemple, on continue le traitement comme d'habitude en respectant l'horaire de la prochaine prise. Si les oublis et les retards sont vraiment occasionnels, ça n'a aucune conséquence sur la charge virale et l'indétectabilité. Le tout, c'est d'être le plus observant possible.


Une fois que tout est en place, qu'on est indétectable, que le traitement est bien suivi et bien toléré, alors on peut commencer à espacer les rendez-vous. Je voyais le médecin tous les trois mois, puis c'est rapidement devenu tous les 6 mois. Une prise de sang pour vérifier qu'on est toujours indétectable, une ordonnance pour 6 mois, et voila. Deux fois par an. C'est beaucoup plus simple que ce que j'imaginais au tout début !

5 ans après, je vais toujours aussi bien qu'au début, je continue le traitement sans y penser et la vie continue. Je suis séropositif, mais je ne transmets rien, je ne le ressens pas en moi, je ne le subis pas, je peux faire tout ce que les autres font, et mon espérance de vie est normale. Ce qui est le plus dur à vivre quand on a le VIH, ce n'est pas le traitement ni le virus : c'est d'être trop souvent confrontés à des personnes qui ne sont pas informées du tout sur cette réalité, qui seront parfois très blessantes et même dans le rejet violent pur et simple, alors que si elles avaient lu cet article, elles sauraient que leur peur ne se base sur absolument rien.

Précision importante : cet article décrit le parcours d'un jeune séropositif comme moi, et quand je dis jeune, je ne parle pas d'âge mais plutôt de quelqu'un de nouvellement séropositif. On peut avoir 50 ou 60 ans et être un jeune séropositif. Tout ça pour dire que les séropositifs n'ont pas tous le même parcours de santé, et qu'il y en a encore un certain nombre qui sont devenus séropositifs bien avant les traitements modernes dont je parlais plus haut. Il est possible qu'ils prennent encore des traitements plus lourds, avec des effets plus lourds et une qualité de vie dégradée comparée à celle des "nouveaux" séropositifs. Il est possible, même de nos jours, qu'on apprenne sa séropositivité sur le tard, dans un stade avancé voire au stade sida après de nombreuses années sans s'être fait dépister. Ça reste une situation devenue très rare en France, mais elle existe. Mais il faut aussi savoir que même pris en charge à ce stade, il est possible de recevoir un traitement efficace et d'aller finalement très bien.

Quelle est la différence entre VIH et sida ?

Le virus qu'on porte lorsque l'on est séropositif, c'est le VIH. "Avoir le sida", ça ne se dit pas. Le sida est le dernier stade de l'évolution du VIH. Il survient après de nombreuses années sans traitement (plus ou moins selon les personnes). Il est donc important de bien faire la différence : personne n'attrape le sida. C'est impossible. Et peu importe quel journaliste ou quel médecin BFMTV emploiera ce terme à tort et à travers, ça restera incorrect et pourra du coup vous faire douter de leur légitimité.

Maintenant, pour ceux qui hésitaient encore à aller se faire dépister, posez-vous donc la question. Qu'est-ce qui est préférable ? Connaitre sa sérologie, et en cas de résultat positif, ne plus transmettre le VIH et rester en bonne santé, ou ne pas savoir et risquer de le transmettre aux autres jusqu’à ce que vous subissiez les effets négatifs du VIH non traité ? Si vous pensez que ça n'arrive qu'aux autres, dites-vous qu'il y en a 25 000 autres qui pensent la même chose.

Et dire qu'il suffirait que tout le monde se dépiste et se traite pour mettre fin au VIH... :)


mardi 14 avril 2020

Affiches Animal Crossing pour le dépistage

Animal Crossing est un jeu qui est sorti en ce début d'année et qui connait un succès mondial fulgurant. C'est un tel phénomène que beaucoup de tweets à ce sujet embrasent internet. D'un autre côté, il y un message qu'il est important de faire passer : que chacun aille faire un dépistage complet dès la fin du confinement.

J'ai choisi d'allier les deux pour faire une mini campagne unique et originale qui aura pour mérite de toucher beaucoup de jeunes et de gameurs qui ne sont pas forcément mieux informés que les autres à ce sujet. Animal Crossing est en plus un jeu très attirant pour les LGBTQI+, j'ai donc sauté sur l'occasion de mettre en scène quatre des personnages les plus populaires de la marque.


samedi 28 mars 2020

Moi, je dis que je suis séropo au troisième rendez-vous


C'est une crainte chez bon nombre de séropos, ce moment où on rencontre quelqu'un et qu'au fil du temps on apprend à se connaitre, on parle de choses de plus en plus personnelles. On s'attache, et ça devient compliqué de ne pas parler de son statut VIH. Personne n'a envie de mentir, même par omission. Qu'on ait quelques mois ou des années derrière nous depuis notre diagnostic, on a pratiquement tous été confrontés à de la sérophobie, du rejet - même indirectement, si on a vu des trucs blessants ou lu des propos discriminatoires. On le sait, en 2020, c'est toujours risqué d'annoncer sa séropositivité. Ça peut faire mal. Encore plus quand on perd quelqu'un à qui on s'était attaché.

C'est une crainte totalement fondée et personne ne va vous la reprocher. J'ai moi même cette crainte, à tous les coups. J'imagine toujours le pire : voir le dégoût ou la peur dans les yeux de l'autre, qu'il se barre et ne donne plus jamais de nouvelles.

Certains s'y prennent de façon très directe : ils le disent dès le début. Ça demande beaucoup de courage, mais c'est une bonne façon de se protéger. Ça peut tout à fait fonctionner, et si ce n'est pas le cas, ça permet de ne pas tomber de trop haut si on se laisse s'attacher. Personnellement, j'ai opté pour autre chose. Je dis que j'ai le VIH au troisième rendez-vous.

Pourquoi le troisième ? Parce que je suis de ceux qui croient que la sérophobie, c'est d'abord de l'ignorance. Et que n'importe qui peut être informé et éduqué. Être sérophobe, ce n'est pas incurable. En attendant le troisième rendez-vous, la personne a le temps de connaitre le reste de ma vie, tout ce qui me caractérise à l'exception du VIH. Parce qu'avoir le VIH, ça ne résume pas une personne. On est plein d'autres choses, j'aime jouer aux jeux vidéo, écrire des petites histoires, fumer des joints dans un bon bain chaud, regarder des séries et apprécier leur bande sonore, etc...

A trois reprises, j'ai pris mon courage à deux mains pour le dire à des personnes que j'avais rencontrées. Et tout ça est très rassurant : ça s'est toujours très bien passé.

La première fois, c'était avec B., un professeur sourd rencontré sur Grindr. On est allé boire un café pour se rencontrer, et j'ai tout de suite ressenti quelque chose. Il était hyper charmant, un regard mignon et pas mal de choses à raconter. Tous les deux, on était resté plus de deux heures autour de ce café en ne pouvant décoller nos deux sourires de tout le rendez-vous.

On s'est revu ensuite, les choses avaient fait un bond, on s'est embrassé en se quittant puis j'ai commencé à réfléchir à la façon de lui annoncer ma séropositivité. Je ne l'avais encore jamais dit à quelqu'un dans ce contexte là. Au troisième rendez-vous, tout tremblotant, je lui ai dit. Il a sourit, et on s'est fait un câlin, comme celui qu'on se faisait quelques minutes avant. Finalement, rien n'avait changé. Il était déjà informé sur le VIH grâce à une émission en langue des signes dont il m'a parlé, "L'oeil et la main", sur France 5. (https://www.france.tv/france-5/l-oeil-et-la-main/438505-sida-des-raisons-d-esperer.html). Dans cette émission, ils n'ont pas oublié de dire qu'une personne séropo sous traitement ne transmet plus rien. Et ça a peut-être tout changé. On s'est revu plein de fois ensuite, vivant comme un petit couple, allant à la fête de la musique en se tenant la main. Mais il a ensuite déménagé, nous sommes restés en bons termes.

La deuxième fois, c'était après ma rencontre avec C. Un mec un peu plus jeune que moi. Je sentais cette fois ci qu'il n'était pas très informé, alors j'ai tenté d'aborder le sujet sans m'inclure personnellement, lui dire que je réfléchissais à devenir bénévole chez AIDES, voir sa réaction. Le sujet ouvert, ça m'a aussi permis de dire de façon innocente que les séropos sous traitement ne transmettent pas le VIH, comme ça j'étais certain qu'il le savait avant que je lui dise que je l'ai. Encore une fois, ça s'est bien déroulé, il m'a embrassé et j'ai répondu à ses questions. On s'est revu une fois ensuite, mais ça s'est plutôt mal passé pour des raisons autres que le VIH. Donc j'ai lâché l'affaire.

Puis, il y a eu M. Un mec de quarante ans avec qui on a discuté un peu puis eu assez rapidement une relation sexuelle. Ça rajoutait un peu de stress, de devoir dire à un mec qu'on a le VIH après avoir couché avec, surtout s'il n'est pas informé et croit à tort qu'on lui a fait courir un risque. Je l'ai quand même revu une deuxième fois, tout se déroulait bien, c'était très romantique et en même temps torride. La troisième fois, j'ai réutilisé ma technique de bénévole pour AIDES, pour tester sa réaction. Aucune réaction, puis-ce qu'il ignorait absolument tout du VIH. Il ne savait pas ce que voulait dire indétectable, il ne connaissait pas la PrEP, rien du tout. En fait, il n'avait pas d'avis ni de réponse à me donner. J'ai décidé de lui dire. Mon coeur battait la chamade, mais il a posé sa main sur ma cuisse et m'a laissé le temps de lui expliquer ce qu'il ne savait pas. Il buvait mes paroles et ne remettait rien en doute. On a passé la nuit ensemble, et bien d'autres nuits ensuite. Aujourd'hui, il est sous PrEP et bien informé sur le VIH. Ce n'est finalement jamais devenu sérieux entre nous, mais on garde un bon contact.

En prenant en compte ces trois expériences, et en sachant que deux de ces personnes étaient complètement ignorantes sur le sujet, qui sait si elles m'auraient laissé nouer des relations avec elles si j'avais d'emblée dit que j'étais séropositif au départ ? Je me suis dit, au final, que d'attendre un peu avant de parler de ma séropositivité quand je rencontre quelqu'un, c'est me laisser une chance en tant que personne qui est plein d'autres choses, mais c'est aussi leur laisser une chance à eux, qui ne connaissent rien au sujet et qui, sur le coup, auraient pu réagir de façon instinctive, d'une manière qu'ils n'auraient sans doute pas contrôlée.

Si je raconte tout ça, ce n'est pas par besoin de raconter ma vie. C'est aussi pour peut-être atténuer cette crainte chez certains séropos. Parler du VIH à quelqu'un à qui l'on tient, ça se passe très bien dans la plupart des cas. Et si ça se passe mal, vous ne perdez pas grand chose si ce n'est une personne pauvre d'esprit qui finira sa vie seule à la recherche de l'homme parfait sur Grindr, encore 20 ans plus tard.

jeudi 5 mars 2020

Le jour où j'ai appris que j'étais séropositif

Thread posté initialement sur Twitter le 1er octobre 2019



Résultat de recherche d'images pour "boom"Il faut savoir que j'ai fait des dépistages tous les 5 mois depuis l'adolescence, la où j'ai commencé à avoir des relations sexuelles. Puis j'ai rencontré un mec, on s'est mis ensemble. Lui n'en avait jamais fait de sa vie. On était un couple pas très sérieux. On se faisait beaucoup de mal, il me trompait, alors j'allais noyer ma tristesse dans les bras d'un autre, bref. Depuis que je l'avais rencontré, je n'avais pas refait de test. Ça faisait 1 an ce jour là. Un dimanche. Nous avions rompu, c'était trop. Il me détruisait le cœur. Mais je ne m’arrêtais pas de vivre pour autant. Ce dimanche là, je suis allé au sauna. Il y avait une affiche @assoAIDES qui informait qu'un de leurs militants était présent pour faire des tests rapides.

Intéressé mais pas pressé, je me suis un peu amusé avant, j'ai câliné quelques mecs sans coucher, juste pour retrouver l'affection perdue. Je suis allé fumer une clope et je suis entré dans le petit local occupé par AIDES, à l'étage. Je rencontre le militant, il m'installe. Il me demande si ça va, puis prépare le test. C'est toujours stressant et c'est normal. Mais finalement, ce n'est qu'une petite pointe dans le petit doigt. Il était gentil, souriant. Je me sentais en sécurité. 

Il récupère ma goutte de sang puis me dit que le résultat devrait s'afficher dans quelques secondes. Alors j'attends un peu, puis il me regarde. "Ah... C'est positif...". Il n'a rien dit d'autre, me laissant digérer ça. Moi, la cruche, je lui demande encore "Ça veut dire que je l'ai ?", alors que je connaissais très bien la réponse. Il me dit que oui. J'ai des frissons dans le dos et le visage tout froid, je fais quoi maintenant ?

Il me propose d'appeler un médecin tout de suite, prendre rendez vous pour le lendemain, le lundi. Pour confirmer mon résultat sur un test plus fiable. J'étais pas sûr, ça faisait trop de trucs. Il l'a bien senti, alors il m'a dit "Je peux t'accompagner, si tu veux". J'ai dit oui, puis le rendez vous pris, il me demande ce que je vais faire, la maintenant. Je dis que je sors d'ici, je rentre chez moi.

En vérité, je ne sors pas. Je vais dans un bassin, je me laisse porter par l'eau tiède et je regarde dans l'eau. Un mec nage à côté de moi, insouciant. Je le vois plus pareil. Je me demande si ça se voit sur ma gueule. Bien sûr que non. Je reste 1h comme ça puis rentre chez moi. Arrivé chez moi, je ne savais toujours rien sur le VIH. Je ne m'étais jamais informé. Je réfléchissais à comment annoncer à ma mère que j'allais crever, sa réaction, sa tristesse. Pour moi tout s'écroulait.

Le lendemain, je vais devant l'hôpital où a lieu mon rendez vous. Le militant @assoAIDES est présent, il m'attend à la grille, souriant. Il me guide jusqu'à l'accueil, parle à ma place, vient s'asseoir avec moi dans la salle d'attente. Moi j'étais carrément paumé, ailleurs. Je rencontre le médecin, il m'explique comment fonctionne le VIH exactement. Les CD4, les T4, la charge virale, le traitement, indétectable. Il me dit que tout va bien, je vais rester en très bonne santé.

J'entends ce qu'il me dit mais je ne comprends pas. Je suis toujours abasourdi, je pense à ma mère. J'ai l'impression que c'est un mauvais rêve. Il m'appelle 3 jours après pour me confirmer le résultat du test, je suis bien seropo. Il faut que je le revoie vite pour parler traitement. Moi, pendant ce temps-là, j’écume le net. Je tombe sur des articles et des vidéos qui disent que le VIH n'existe pas, que le sida non plus. Que c'est une maladie inventée pour vendre des médocs. J'ai un esprit critique, mais il était complètement anesthésié à ce moment là. Ça m'a fait douter. J'ai posé la question sur un forum, @SERONET. Est ce que le VIH est une maladie inventée ? J'ai reçu pas mal de mépris.

Ils avaient peut être raison de se foutre de moi, mais ça m'a un peu renfermé. Je décide d'appeler ma mère, je lui annonce. Je me rappelle même plus sa réaction. Quand je lui pose la question aujourd'hui, elle me dit qu'elle ne tenait plus debout.

J'appelle deux très bons amis avec qui j'ai couché sans capote quelques jours avant l'annonce. Je leur annonce, qu'ils aillent se tester tout de suite. Je leur dis de vive voix. Le premier me remercie de l'avoir prévenu et ne me donnera plus jamais de nouvelles après m'avoir bloqué. Le second m'a tout de suite soutenu et me parle encore aujourd'hui. Il n'a rien.

Quelques semaines après, je commence le traitement. Le médecin me dit que je pourrais devenir indétectable dans 6 mois. Cela a mis 1 à 2 mois. J'avais de très bons résultats et une très bonne réponse au traitement. (a l'époque 2 comprimés par jour, Kivexa + Tivicay). Le médecin m'informe que, étant indétectable, je ne suis plus contagieux. Ouf. Je respire. Je ne suis plus dangereux. J'étais naïf à ce moment là, j'avais oublié que les gens me penseraient dangereux même si je disais le contraire. Il me dit que le VIH n'évoluera plus. Que je n'aurais pas le SIDA, que je dois bien suivre mon traitement et tout se passera bien. Je le promets. Je ne veux pas que ma vie change.

En rentrant dans mon appartement, mon ex m'appelle. Je lui manque. Je lui dis de venir prendre un bain avec moi. Je le fais entrer et je fais couler l'eau. Je roule deux joints et mets de la musique. Je voulais lui raconter.

On s’entremêle dans l'eau chaude, on fume, et je lui raconte tout. Aucune réaction. Il me dit juste "d'accord.". Je lui dis "Tu sais, si je l'ai, tu l'as peut être aussi. On couche sans capote ensemble depuis 1 an." Toujours aucune réaction, juste d'accord. Il n'avait pas l'air de saisir, il n'avait jamais fait de test. 

Le lendemain, je l'emmène à un forum d'associations LGBT à Lille. Il y avait un stand @assoAIDES qui prodiguait des tests rapides aux gens. Je croise le militant qui m'avait aidé et annoncé mon statut. Je lui raconte que c'est mon mec, pour simplifier, et qu'il faut le tester. Résultat, lui aussi était positif. 

Je l'ai soutenu pendant qu'il parcourait les mêmes étapes que moi. Il n'a pas vécu la chose comme moi, il avait quelqu'un pour tout lui expliquer dès le début. Moi j'ai quand même pas mal miroité, je voulais lui éviter ça.

J'allais mieux. Je n'étais plus seul dans cette histoire. Mon ex est resté avec moi presque 3 ans supplémentaires. Le VIH avait créé un lien spécial entre nous. Au moins on n'avait pas à se cacher.

Puis au fil des mois, la prise du médicament est devenue automatique. On a changé mon traitement, je suis passé à Triumeq. Un seul comprimé violet le soir. Et tout restait normal. Aucun effet secondaire.

J'allais faire une prise de sang à l'hôpital plusieurs fois par an, je restais indétectable. Mes anticorps restaient normaux. Et le virus complètement défoncé.

J'ai du l'attraper quelque temps avant que je sois au courant, dans l'année précédant ce dernier test. Indétectable très rapidement, donc. Qui de moi ou mon ex l'a eu le premier ? Qui l'a refilé à l'autre ? Aucune idée et on n'a pas voulu le savoir. Quel intérêt, quelle question horrible à se poser. C'était fait, maintenant. On a rompu pour des raisons extérieures au VIH, il y a environ 2 ans. Je ne ressens plus rien pour lui et on ne se parle plus, mais je n'oublierais pas qu'on a pu se soutenir et s'aider dans ce moment difficile.

Aujourd'hui, ça fait maintenant seulement quelques mois que j'en parle sur Twitter. Ouvertement. J'avais peur d'être catégorisé, qu'on ne voit plus que ça. Ça prend tellement de place.

Mais si je voulais voir les choses changer je devais aussi participer au changement. Participer à la visibilité des séropositifs. Je n'en ai plus honte, aucune raison d'en avoir honte. Je ne suis un danger pour personne et ce virus est une infime partie de mon corps et de ma vie.

Ma mère est géniale, elle m'a toujours soutenu. Jamais jugé. J'ai rencontré d'autres seropos lors de groupes de parole lorsque je me sentais seul. Ce sont des gens adorables qui ont toujours été très gentils avec moi.

Et je voudrais remercier ce militant AIDES, vraiment merci du fond du cœur, de ne pas m'avoir lâché la main quand j'étais sur le point de couler. Il aurait pu s'en battre les couilles, mais j'ai compté pour lui. Je n'oublierai jamais.

J'admire tous les séropos, détectables et indétectables, pour leur courage et leur force. Je participe à mon niveau pour que ce ne soit plus vu comme une tare. C'est peu mais c'est déjà ça.

VIH et discriminations




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Thread posté initialement sur Twitter le 23 janvier 2020


Être séropositif, en France, c'est avoir accès a un traitement de qualité, vivre normalement et en bonne santé. Mais c'est aussi faire face aux préjugés, aux discriminations, aux remarques blessantes et à l'ignorance crasse des gens.

Quand on apprend qu'on est séropositif, la première chose qui nous vient à l'esprit, ce n'est pas le rejet auquel on va devoir faire face. Et c'est normal, ça ne viendrait pas a l'idée de tout le monde de traiter quelqu'un avec mépris selon son statut VIH. Quand on est séropositif, sous traitement qui nous rend indétectable, on ne peut pas transmettre le virus. Ça, les gens vivant avec le VIH le savent. Mais l'information ne se diffuse pas facilement. Et parfois on oublie qu'une immense partie de la population nous croit dangereux. 

Lorsque j'ai appris que j'étais séropositif il y a environ 5 ans, j'ai appelés deux amis pour les mettre au courant. L'un d'eux m'a supprimé de ses réseaux puis m'a bloqué. Je n'ai plus jamais eu de nouvelles. Sur le coup, j'ai encaissé, car l'autre ami m'a soutenu. Pour rencontrer d'autres personnes, ce n'est pas simple non plus. Nouer des relations, amicales ou +, quand on est séropo, c'est différent que si on était séronégatifs. 

Je pense à la première nouvelle rencontre que j'ai eu après avoir appris ma séropo, un mec sympa qui m'inspirait confiance. J'ai décidé de lui dire. Sa réponse : 


«Tu aurais pu me le dire dès le début. Tu es taré de venir sur Grindr alors que tu as le SIDA, t'es vraiment un monstre. Les gens comme toi devraient rester entre eux et pas refiler leur merde aux gens sains.» 

Il m'a bloqué ensuite. Pas de nouvelle. 

A quoi ça aurait servi de lui dire que je n'ai pas le SIDA, mais le VIH... Et que étant sous traitement il n'y a aucune crainte à avoir ? A rien. Démoralisé, je n'avais pas la foi de le retrouver et de lui expliquer. 

Je pense à la fois où j'ai du aller faire une prise de sang à l'hôpital pour une tout autre raison que le VIH, accompagné de ma mère. Une infirmière m'a piqué puis est repartie rejoindre sa collègue en me laissant seul dans la pièce. Leur bureau était a côté de la salle d'attente ou se trouvait ma mère, porte ouverte. Quand j'en suis sorti, ma mère m'a raconté ce qu'elle avait entendu : 


«Tu t'es bien lavé les mains j'espère ?»
«Oui»
«Relave les une deuxième fois, il a le SIDA, on ne sait jamais avec ces gens là.»



C'est donc pour ça que j'avais vu cette infirmière revenir se relaver les mains sans me jeter un regard. 
Je pense à la fois où j'ai déménagé et où j'ai du chercher un dentiste. Et que les deux premiers ne prenaient pas les patients séropositifs.


«Je n'ai pas les compétences»
«Plus de place»
«Allez aux urgences» 

La fois où j'ai du changer de médecin traitant car celui que j'avais depuis l'adolescence m'avait accueilli avec un "Alors, ça va le SIDA ?". Je lui avais répondu que je n'avais pas le SIDA. "C'est pareil". Ensuite, elle ne me touchait plus, ne m’auscultait plus. Me prescrivait n'importe quoi (selon mon médecin spécialisé VIH) du moment que je parte au plus vite. J'ai donc retrouvé un autre médecin, allure intelligente. Je lui demande si je peux la choisir comme médecin traitant. Elle prend ma carte vitale et regarde son écran avec attention : 


«Vous avez une ALD (affection longue durée) pour quoi monsieur ?»
«Je suis séropositif»
«Oh mais moi je suis pas du tout spécialisée, il faut voir avec un autre médecin.»
«J'ai déjà un médecin pour ça»
«En plus on ne prend plus les nouveaux patients»


Devant mon regard douteux et accusateur, elle s'est sûrement rendu compte qu'elle était en train de me discriminer. Elle a finalement trouvé une place pour moi, qui n'existait pas quelques minutes avant. Je ne vais jamais la voir. 

La fois où lors d'un contrôle de police je me suis fait surprendre avec 2g de weed dans mon sac. Je les avais caché dans une boîte vide, celle de mes comprimés pour le VIH. Pour information, aucune odeur n'en sort. Pour seulement 2g, ils m'ont emmené au poste. Interrogatoire. Avant de prendre mes empreintes, l'un me demande a quoi sert mon médicament. Je lui dis que c'est personnel, il lève les yeux et tape le nom sur Google. 


«Comment t'as fait pour choper le SIDA?»
«C'est le VIH et ça ne vous regarde pas»
«C'est pas les crados qui choppent ça normalement ?» (Les collègues qui ricanent)

Je n'ai pas eu la foi de répondre et j'ai subi leur interrogatoire a la con a propos de mes trois joints. 
En bref, une liste exhaustive de ce qu'on se prend dans la gueule quand est séropositif. Il y a d'autres situations que j'ai connues mais très brèves, des tweets, des dm que j'ai survolé sans y donner de l'importance. 

Des situations qui vont se répéter encore et encore, parce que les gens s'en foutent. Ils ne savent rien et se complaisent dans cette ignorance. Quand tu leur expliques, ils ne te croient pas forcément. Tu n'es pas médecin. 

Des croyances et des peurs qui ont un bel avenir. On l'a encore vu il y a quelque jours avec cette polémique sur le crachat sur un policier, lors d'une manifestation. Une journée qui a du blesser un grand nombre de séropositifs. Un crachat, même de sang, ne transmet rien. 


«Oui mais il l'a mordu»
«Oui mais le risque zéro n'existe pas»
«L'agression au SIDA, la nouvelle arme des militants d'extrême gauche»


En bref, on est tous passé pour des zombies avides de décimer les bonnes gens et l'espèce humaine avec notre satané SIDA. Et quand tout cela provient des professionnels de santé, infirmières, médecins, dentistes. Et même de la police. Qu'est-ce qu'on pourrait y faire ? Il y a une solution évidente. S'informer et en parler autour de soi. Rependre la vérité, combattre l'obscurantisme. 
Il est temps d'arrêter de s'en foutre du moment que ça ne nous touche pas. Parce qu'un jour vous pourriez être de l'autre côté de l'histoire et vous vous sentirez bien incompris par le monde qui vous entoure.