jeudi 5 mars 2020

Le jour où j'ai appris que j'étais séropositif

Thread posté initialement sur Twitter le 1er octobre 2019



Résultat de recherche d'images pour "boom"Il faut savoir que j'ai fait des dépistages tous les 5 mois depuis l'adolescence, la où j'ai commencé à avoir des relations sexuelles. Puis j'ai rencontré un mec, on s'est mis ensemble. Lui n'en avait jamais fait de sa vie. On était un couple pas très sérieux. On se faisait beaucoup de mal, il me trompait, alors j'allais noyer ma tristesse dans les bras d'un autre, bref. Depuis que je l'avais rencontré, je n'avais pas refait de test. Ça faisait 1 an ce jour là. Un dimanche. Nous avions rompu, c'était trop. Il me détruisait le cœur. Mais je ne m’arrêtais pas de vivre pour autant. Ce dimanche là, je suis allé au sauna. Il y avait une affiche @assoAIDES qui informait qu'un de leurs militants était présent pour faire des tests rapides.

Intéressé mais pas pressé, je me suis un peu amusé avant, j'ai câliné quelques mecs sans coucher, juste pour retrouver l'affection perdue. Je suis allé fumer une clope et je suis entré dans le petit local occupé par AIDES, à l'étage. Je rencontre le militant, il m'installe. Il me demande si ça va, puis prépare le test. C'est toujours stressant et c'est normal. Mais finalement, ce n'est qu'une petite pointe dans le petit doigt. Il était gentil, souriant. Je me sentais en sécurité. 

Il récupère ma goutte de sang puis me dit que le résultat devrait s'afficher dans quelques secondes. Alors j'attends un peu, puis il me regarde. "Ah... C'est positif...". Il n'a rien dit d'autre, me laissant digérer ça. Moi, la cruche, je lui demande encore "Ça veut dire que je l'ai ?", alors que je connaissais très bien la réponse. Il me dit que oui. J'ai des frissons dans le dos et le visage tout froid, je fais quoi maintenant ?

Il me propose d'appeler un médecin tout de suite, prendre rendez vous pour le lendemain, le lundi. Pour confirmer mon résultat sur un test plus fiable. J'étais pas sûr, ça faisait trop de trucs. Il l'a bien senti, alors il m'a dit "Je peux t'accompagner, si tu veux". J'ai dit oui, puis le rendez vous pris, il me demande ce que je vais faire, la maintenant. Je dis que je sors d'ici, je rentre chez moi.

En vérité, je ne sors pas. Je vais dans un bassin, je me laisse porter par l'eau tiède et je regarde dans l'eau. Un mec nage à côté de moi, insouciant. Je le vois plus pareil. Je me demande si ça se voit sur ma gueule. Bien sûr que non. Je reste 1h comme ça puis rentre chez moi. Arrivé chez moi, je ne savais toujours rien sur le VIH. Je ne m'étais jamais informé. Je réfléchissais à comment annoncer à ma mère que j'allais crever, sa réaction, sa tristesse. Pour moi tout s'écroulait.

Le lendemain, je vais devant l'hôpital où a lieu mon rendez vous. Le militant @assoAIDES est présent, il m'attend à la grille, souriant. Il me guide jusqu'à l'accueil, parle à ma place, vient s'asseoir avec moi dans la salle d'attente. Moi j'étais carrément paumé, ailleurs. Je rencontre le médecin, il m'explique comment fonctionne le VIH exactement. Les CD4, les T4, la charge virale, le traitement, indétectable. Il me dit que tout va bien, je vais rester en très bonne santé.

J'entends ce qu'il me dit mais je ne comprends pas. Je suis toujours abasourdi, je pense à ma mère. J'ai l'impression que c'est un mauvais rêve. Il m'appelle 3 jours après pour me confirmer le résultat du test, je suis bien seropo. Il faut que je le revoie vite pour parler traitement. Moi, pendant ce temps-là, j’écume le net. Je tombe sur des articles et des vidéos qui disent que le VIH n'existe pas, que le sida non plus. Que c'est une maladie inventée pour vendre des médocs. J'ai un esprit critique, mais il était complètement anesthésié à ce moment là. Ça m'a fait douter. J'ai posé la question sur un forum, @SERONET. Est ce que le VIH est une maladie inventée ? J'ai reçu pas mal de mépris.

Ils avaient peut être raison de se foutre de moi, mais ça m'a un peu renfermé. Je décide d'appeler ma mère, je lui annonce. Je me rappelle même plus sa réaction. Quand je lui pose la question aujourd'hui, elle me dit qu'elle ne tenait plus debout.

J'appelle deux très bons amis avec qui j'ai couché sans capote quelques jours avant l'annonce. Je leur annonce, qu'ils aillent se tester tout de suite. Je leur dis de vive voix. Le premier me remercie de l'avoir prévenu et ne me donnera plus jamais de nouvelles après m'avoir bloqué. Le second m'a tout de suite soutenu et me parle encore aujourd'hui. Il n'a rien.

Quelques semaines après, je commence le traitement. Le médecin me dit que je pourrais devenir indétectable dans 6 mois. Cela a mis 1 à 2 mois. J'avais de très bons résultats et une très bonne réponse au traitement. (a l'époque 2 comprimés par jour, Kivexa + Tivicay). Le médecin m'informe que, étant indétectable, je ne suis plus contagieux. Ouf. Je respire. Je ne suis plus dangereux. J'étais naïf à ce moment là, j'avais oublié que les gens me penseraient dangereux même si je disais le contraire. Il me dit que le VIH n'évoluera plus. Que je n'aurais pas le SIDA, que je dois bien suivre mon traitement et tout se passera bien. Je le promets. Je ne veux pas que ma vie change.

En rentrant dans mon appartement, mon ex m'appelle. Je lui manque. Je lui dis de venir prendre un bain avec moi. Je le fais entrer et je fais couler l'eau. Je roule deux joints et mets de la musique. Je voulais lui raconter.

On s’entremêle dans l'eau chaude, on fume, et je lui raconte tout. Aucune réaction. Il me dit juste "d'accord.". Je lui dis "Tu sais, si je l'ai, tu l'as peut être aussi. On couche sans capote ensemble depuis 1 an." Toujours aucune réaction, juste d'accord. Il n'avait pas l'air de saisir, il n'avait jamais fait de test. 

Le lendemain, je l'emmène à un forum d'associations LGBT à Lille. Il y avait un stand @assoAIDES qui prodiguait des tests rapides aux gens. Je croise le militant qui m'avait aidé et annoncé mon statut. Je lui raconte que c'est mon mec, pour simplifier, et qu'il faut le tester. Résultat, lui aussi était positif. 

Je l'ai soutenu pendant qu'il parcourait les mêmes étapes que moi. Il n'a pas vécu la chose comme moi, il avait quelqu'un pour tout lui expliquer dès le début. Moi j'ai quand même pas mal miroité, je voulais lui éviter ça.

J'allais mieux. Je n'étais plus seul dans cette histoire. Mon ex est resté avec moi presque 3 ans supplémentaires. Le VIH avait créé un lien spécial entre nous. Au moins on n'avait pas à se cacher.

Puis au fil des mois, la prise du médicament est devenue automatique. On a changé mon traitement, je suis passé à Triumeq. Un seul comprimé violet le soir. Et tout restait normal. Aucun effet secondaire.

J'allais faire une prise de sang à l'hôpital plusieurs fois par an, je restais indétectable. Mes anticorps restaient normaux. Et le virus complètement défoncé.

J'ai du l'attraper quelque temps avant que je sois au courant, dans l'année précédant ce dernier test. Indétectable très rapidement, donc. Qui de moi ou mon ex l'a eu le premier ? Qui l'a refilé à l'autre ? Aucune idée et on n'a pas voulu le savoir. Quel intérêt, quelle question horrible à se poser. C'était fait, maintenant. On a rompu pour des raisons extérieures au VIH, il y a environ 2 ans. Je ne ressens plus rien pour lui et on ne se parle plus, mais je n'oublierais pas qu'on a pu se soutenir et s'aider dans ce moment difficile.

Aujourd'hui, ça fait maintenant seulement quelques mois que j'en parle sur Twitter. Ouvertement. J'avais peur d'être catégorisé, qu'on ne voit plus que ça. Ça prend tellement de place.

Mais si je voulais voir les choses changer je devais aussi participer au changement. Participer à la visibilité des séropositifs. Je n'en ai plus honte, aucune raison d'en avoir honte. Je ne suis un danger pour personne et ce virus est une infime partie de mon corps et de ma vie.

Ma mère est géniale, elle m'a toujours soutenu. Jamais jugé. J'ai rencontré d'autres seropos lors de groupes de parole lorsque je me sentais seul. Ce sont des gens adorables qui ont toujours été très gentils avec moi.

Et je voudrais remercier ce militant AIDES, vraiment merci du fond du cœur, de ne pas m'avoir lâché la main quand j'étais sur le point de couler. Il aurait pu s'en battre les couilles, mais j'ai compté pour lui. Je n'oublierai jamais.

J'admire tous les séropos, détectables et indétectables, pour leur courage et leur force. Je participe à mon niveau pour que ce ne soit plus vu comme une tare. C'est peu mais c'est déjà ça.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Salut Nicolas,

Je viens de lire ton histoire. Touchante bien évidemment.
Et j'ai appris en plus pour toi, la discrimination de certains médecins face à l'ignorance, ou au mépris.
Alors même qu'avec les études qu'ils ont fait, ils devraient non seulement être les plus informés sur le VIH; Et être tant soit peu plus intelligent que le citoyen lambda.

Bref Nicolas, si tu as besoin d'aide pour recueillir des signatures vis à vis d'une éventuelle plainte auprès du Conseil de l'Ordre des Médecins, je répondrai présent.

Si tu souhaites échanger, voir faire connaissance, tu peux me joindre en PV sur
david.brunner62@gmail.com.

Très sincèrement.

Bisous Nicolas.