mercredi 29 avril 2020

C'est comment d'être séropositif au VIH, aujourd'hui ?



Aujourd'hui en France, il est estimé qu'il y a 25 000 personnes porteuses du VIH sans le savoir. L'accès au dépistage n'est parfois pas évident, l'information ne se diffuse pas non plus toujours de façon fluide et équitable, et il peut aussi y avoir cette peur du dépistage. Ce n'est qu'une simple prise de sang, mais pour beaucoup, il est mieux pour eux de ne simplement pas savoir. La prise en charge du VIH a énormément évolué depuis les années sida, mais son image peine à suivre le même chemin : encore aujourd'hui, quelqu'un de mal informé peut s'imaginer qu'une personne qui apprend sa séropositivité au VIH de nos jours doit subir un traitement très lourd, avec beaucoup d'effets secondaires et que son état de santé se détériore irrémédiablement. Et surtout, qu'elle peut toujours transmettre le VIH !
Je m'appelle Nicolas, j'ai 25 ans et je suis séropositif depuis un peu plus de 5 ans. Je vais tenter de vous expliquer ce que c'est, d'être séropo aujourd'hui.
Apprendre sa séropositivité, c'est d'abord un choc et c'est tout à fait normal. La remise en question peut suivre pour un certain nombre de personnes, la culpabilité et tout autre sentiment négatif. Mais ça ne dure pas, car s'ensuit un sentiment beaucoup plus positif : le soulagement. Pourquoi le soulagement ? Parce que la réalité ne correspond pas forcément à l'idée qu'on avait en tête de la prise en charge du VIH, et que contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la vie ne change pas vraiment et notre santé ne perd pas en qualité.

A quoi ressemble une année dans la peau de la plupart des personnes séropositives (en tout cas dans la mienne) de nos jours ? C'est très simple : au tout début, plusieurs rendez-vous sont programmés. Un pour confirmer la sérologie une bonne fois pour toute en cas de faux positif, puis d'autres pour mettre en place un traitement. A quoi ressemble le traitement pour quelqu'un qui apprend sa séropositivité de nos jours ? A ça :






C'est un unique comprimé (pour cette marque en tout cas, pour d'autres c'est parfois deux) à prendre une fois par jour à heure fixe. Il existe beaucoup de marques différentes, mais le principe est le même. Pour certains, il y a une contrainte alimentaire : ça signifie qu'il faut le prendre après un repas. Pour le mien, pas besoin. J'ai décidé de le prendre le soir, entre 19 et 20h. Après ces années à le prendre, je n'ai jamais eu d'effets secondaires ni de réactions particulières.









Pourquoi prendre un traitement si on ne peut pour l'instant pas guérir du VIH ?

Il n'existe pour l'instant pas de traitement ni vaccin qui permette de se débarrasser complètement du VIH. Mais le traitement moderne que prennent les personnes séropositives de nos jours s'en rapproche beaucoup : il permet non seulement de "désactiver" le virus mais aussi de baisser énormément sa charge virale dans le corps jusqu'à un stade qu'on appelle "indétectable". On le voit beaucoup ce mot, on le lit partout, mais on ne sait pas forcément ce qu'il signifie. Être indétectable, ça signifie que le VIH n'a plus aucun risque de se transmettre à une autre personne, et ce peu importe de quelle manière. Même une relation sexuelle sans préservatif, même avec éjaculation, ne présentera aucun risque de transmission ! Pour en arriver à être indétectable, c'est très rapide : j'ai eu mon prochain rendez-vous médical deux mois après avoir commencé à prendre mon traitement, et j'étais déjà devenu indétectable. L'avantage d'avoir été dépisté tôt.

Et en cas d'oubli ou de retard dans la prise de traitement ?

On est tous humains et donc pas sans failles : il peut arriver à tout le monde d'oublier de le prendre ou d'avoir du retard. Dans le cas d'un retard, il est toujours possible de le prendre jusqu’à plusieurs heures après. Pour un oubli, lorsqu'on se rend compte seulement le lendemain qu'on ne l'a pas pris par exemple, on continue le traitement comme d'habitude en respectant l'horaire de la prochaine prise. Si les oublis et les retards sont vraiment occasionnels, ça n'a aucune conséquence sur la charge virale et l'indétectabilité. Le tout, c'est d'être le plus observant possible.


Une fois que tout est en place, qu'on est indétectable, que le traitement est bien suivi et bien toléré, alors on peut commencer à espacer les rendez-vous. Je voyais le médecin tous les trois mois, puis c'est rapidement devenu tous les 6 mois. Une prise de sang pour vérifier qu'on est toujours indétectable, une ordonnance pour 6 mois, et voila. Deux fois par an. C'est beaucoup plus simple que ce que j'imaginais au tout début !

5 ans après, je vais toujours aussi bien qu'au début, je continue le traitement sans y penser et la vie continue. Je suis séropositif, mais je ne transmets rien, je ne le ressens pas en moi, je ne le subis pas, je peux faire tout ce que les autres font, et mon espérance de vie est normale. Ce qui est le plus dur à vivre quand on a le VIH, ce n'est pas le traitement ni le virus : c'est d'être trop souvent confrontés à des personnes qui ne sont pas informées du tout sur cette réalité, qui seront parfois très blessantes et même dans le rejet violent pur et simple, alors que si elles avaient lu cet article, elles sauraient que leur peur ne se base sur absolument rien.

Précision importante : cet article décrit le parcours d'un jeune séropositif comme moi, et quand je dis jeune, je ne parle pas d'âge mais plutôt de quelqu'un de nouvellement séropositif. On peut avoir 50 ou 60 ans et être un jeune séropositif. Tout ça pour dire que les séropositifs n'ont pas tous le même parcours de santé, et qu'il y en a encore un certain nombre qui sont devenus séropositifs bien avant les traitements modernes dont je parlais plus haut. Il est possible qu'ils prennent encore des traitements plus lourds, avec des effets plus lourds et une qualité de vie dégradée comparée à celle des "nouveaux" séropositifs. Il est possible, même de nos jours, qu'on apprenne sa séropositivité sur le tard, dans un stade avancé voire au stade sida après de nombreuses années sans s'être fait dépister. Ça reste une situation devenue très rare en France, mais elle existe. Mais il faut aussi savoir que même pris en charge à ce stade, il est possible de recevoir un traitement efficace et d'aller finalement très bien.

Quelle est la différence entre VIH et sida ?

Le virus qu'on porte lorsque l'on est séropositif, c'est le VIH. "Avoir le sida", ça ne se dit pas. Le sida est le dernier stade de l'évolution du VIH. Il survient après de nombreuses années sans traitement (plus ou moins selon les personnes). Il est donc important de bien faire la différence : personne n'attrape le sida. C'est impossible. Et peu importe quel journaliste ou quel médecin BFMTV emploiera ce terme à tort et à travers, ça restera incorrect et pourra du coup vous faire douter de leur légitimité.

Maintenant, pour ceux qui hésitaient encore à aller se faire dépister, posez-vous donc la question. Qu'est-ce qui est préférable ? Connaitre sa sérologie, et en cas de résultat positif, ne plus transmettre le VIH et rester en bonne santé, ou ne pas savoir et risquer de le transmettre aux autres jusqu’à ce que vous subissiez les effets négatifs du VIH non traité ? Si vous pensez que ça n'arrive qu'aux autres, dites-vous qu'il y en a 25 000 autres qui pensent la même chose.

Et dire qu'il suffirait que tout le monde se dépiste et se traite pour mettre fin au VIH... :)


2 commentaires:

Unknown a dit…

Merci ce témoignage est important. On peut avoir le VIH et avoir une belle qualité de vie et ne pas transmettre la maladie avec ce nouveau traitement qui date maintenant de plusieurs années. Encore trop de gens ne le savent pas et c'est dommage. Encore mille mercis

Anonyme a dit…

Moi je suis marié mon épouse est comme moi séropositif j’ai connu la maladie à 68 ans nous vivons normalement et faisons l’amourComme avant nous Surveillons notre taux virale et tout va pour le mieux