jeudi 5 mars 2020

VIH et discriminations




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Thread posté initialement sur Twitter le 23 janvier 2020


Être séropositif, en France, c'est avoir accès a un traitement de qualité, vivre normalement et en bonne santé. Mais c'est aussi faire face aux préjugés, aux discriminations, aux remarques blessantes et à l'ignorance crasse des gens.

Quand on apprend qu'on est séropositif, la première chose qui nous vient à l'esprit, ce n'est pas le rejet auquel on va devoir faire face. Et c'est normal, ça ne viendrait pas a l'idée de tout le monde de traiter quelqu'un avec mépris selon son statut VIH. Quand on est séropositif, sous traitement qui nous rend indétectable, on ne peut pas transmettre le virus. Ça, les gens vivant avec le VIH le savent. Mais l'information ne se diffuse pas facilement. Et parfois on oublie qu'une immense partie de la population nous croit dangereux. 

Lorsque j'ai appris que j'étais séropositif il y a environ 5 ans, j'ai appelés deux amis pour les mettre au courant. L'un d'eux m'a supprimé de ses réseaux puis m'a bloqué. Je n'ai plus jamais eu de nouvelles. Sur le coup, j'ai encaissé, car l'autre ami m'a soutenu. Pour rencontrer d'autres personnes, ce n'est pas simple non plus. Nouer des relations, amicales ou +, quand on est séropo, c'est différent que si on était séronégatifs. 

Je pense à la première nouvelle rencontre que j'ai eu après avoir appris ma séropo, un mec sympa qui m'inspirait confiance. J'ai décidé de lui dire. Sa réponse : 


«Tu aurais pu me le dire dès le début. Tu es taré de venir sur Grindr alors que tu as le SIDA, t'es vraiment un monstre. Les gens comme toi devraient rester entre eux et pas refiler leur merde aux gens sains.» 

Il m'a bloqué ensuite. Pas de nouvelle. 

A quoi ça aurait servi de lui dire que je n'ai pas le SIDA, mais le VIH... Et que étant sous traitement il n'y a aucune crainte à avoir ? A rien. Démoralisé, je n'avais pas la foi de le retrouver et de lui expliquer. 

Je pense à la fois où j'ai du aller faire une prise de sang à l'hôpital pour une tout autre raison que le VIH, accompagné de ma mère. Une infirmière m'a piqué puis est repartie rejoindre sa collègue en me laissant seul dans la pièce. Leur bureau était a côté de la salle d'attente ou se trouvait ma mère, porte ouverte. Quand j'en suis sorti, ma mère m'a raconté ce qu'elle avait entendu : 


«Tu t'es bien lavé les mains j'espère ?»
«Oui»
«Relave les une deuxième fois, il a le SIDA, on ne sait jamais avec ces gens là.»



C'est donc pour ça que j'avais vu cette infirmière revenir se relaver les mains sans me jeter un regard. 
Je pense à la fois où j'ai déménagé et où j'ai du chercher un dentiste. Et que les deux premiers ne prenaient pas les patients séropositifs.


«Je n'ai pas les compétences»
«Plus de place»
«Allez aux urgences» 

La fois où j'ai du changer de médecin traitant car celui que j'avais depuis l'adolescence m'avait accueilli avec un "Alors, ça va le SIDA ?". Je lui avais répondu que je n'avais pas le SIDA. "C'est pareil". Ensuite, elle ne me touchait plus, ne m’auscultait plus. Me prescrivait n'importe quoi (selon mon médecin spécialisé VIH) du moment que je parte au plus vite. J'ai donc retrouvé un autre médecin, allure intelligente. Je lui demande si je peux la choisir comme médecin traitant. Elle prend ma carte vitale et regarde son écran avec attention : 


«Vous avez une ALD (affection longue durée) pour quoi monsieur ?»
«Je suis séropositif»
«Oh mais moi je suis pas du tout spécialisée, il faut voir avec un autre médecin.»
«J'ai déjà un médecin pour ça»
«En plus on ne prend plus les nouveaux patients»


Devant mon regard douteux et accusateur, elle s'est sûrement rendu compte qu'elle était en train de me discriminer. Elle a finalement trouvé une place pour moi, qui n'existait pas quelques minutes avant. Je ne vais jamais la voir. 

La fois où lors d'un contrôle de police je me suis fait surprendre avec 2g de weed dans mon sac. Je les avais caché dans une boîte vide, celle de mes comprimés pour le VIH. Pour information, aucune odeur n'en sort. Pour seulement 2g, ils m'ont emmené au poste. Interrogatoire. Avant de prendre mes empreintes, l'un me demande a quoi sert mon médicament. Je lui dis que c'est personnel, il lève les yeux et tape le nom sur Google. 


«Comment t'as fait pour choper le SIDA?»
«C'est le VIH et ça ne vous regarde pas»
«C'est pas les crados qui choppent ça normalement ?» (Les collègues qui ricanent)

Je n'ai pas eu la foi de répondre et j'ai subi leur interrogatoire a la con a propos de mes trois joints. 
En bref, une liste exhaustive de ce qu'on se prend dans la gueule quand est séropositif. Il y a d'autres situations que j'ai connues mais très brèves, des tweets, des dm que j'ai survolé sans y donner de l'importance. 

Des situations qui vont se répéter encore et encore, parce que les gens s'en foutent. Ils ne savent rien et se complaisent dans cette ignorance. Quand tu leur expliques, ils ne te croient pas forcément. Tu n'es pas médecin. 

Des croyances et des peurs qui ont un bel avenir. On l'a encore vu il y a quelque jours avec cette polémique sur le crachat sur un policier, lors d'une manifestation. Une journée qui a du blesser un grand nombre de séropositifs. Un crachat, même de sang, ne transmet rien. 


«Oui mais il l'a mordu»
«Oui mais le risque zéro n'existe pas»
«L'agression au SIDA, la nouvelle arme des militants d'extrême gauche»


En bref, on est tous passé pour des zombies avides de décimer les bonnes gens et l'espèce humaine avec notre satané SIDA. Et quand tout cela provient des professionnels de santé, infirmières, médecins, dentistes. Et même de la police. Qu'est-ce qu'on pourrait y faire ? Il y a une solution évidente. S'informer et en parler autour de soi. Rependre la vérité, combattre l'obscurantisme. 
Il est temps d'arrêter de s'en foutre du moment que ça ne nous touche pas. Parce qu'un jour vous pourriez être de l'autre côté de l'histoire et vous vous sentirez bien incompris par le monde qui vous entoure.

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